Territoire

Du territoire, qu’ils ont occupé et occupent toujours, émane leur langue et leur identité. C’est sur ce territoire que reposent tous leurs ancêtres, ceux qui sont venus avant eux et ont vécu sur cette partie du monde, c’est pour cette raison que les Atikamekw le considèrent comme «des plus sacrés». Ils en sont conscients et considèrent que l’héritage du territoire qu’ils utilisent aujourd’hui est déjà promis aux leurs des générations suivantes. «Le territoire que nos ancêtres ont reçu du Créateur nous est actuellement prêté et est destiné à nos petits-enfants et aux autres générations suivantes.».

Les Atikamekw considèrent qu’ils appartiennent à un territoire donné. Il n’est pas dans leur tradition de «posséder la terre».

Les autochtones, contrairement aux blancs qui se sont installés sur le territoire, ne se sont jamais établis des limites ou frontières inflexibles.

Transmission territoriale

Pour assurer l’intégrité et l’intégralité du territoire, ils ont recours à un régime dit familial et filial. La transmission territoriale s’effectue toujours de génération en génération. Un chef de territoire ou un chef de clan peut transférer la responsabilité de gestion et de contrôle du territoire à un autre membre de sa famille d’une autre génération. En fait de droit, la notion de «possession de territoire» s’applique de façon collective et égale à l’ensemble de tous les membres composant une famille ou une famille élargie (clan).

Dans ce cas, les membres composant la famille appartiennent au territoire. Les Atikamekw considèrent qu’ils ne peuvent «posséder un territoire» de façon individuelle.

Occupation du territoire ancestral

Les rives sur lesquelles a accosté Jacques Cartier «n’appartenaient pas» à un quelconque groupe «Iroquois». Ceux-ci occupaient la partie Sud des rives du St-Laurent, de la hauteur des Grands Lacs jusqu’à la région (sud) de Montréal. Tandis que des groupes algonkins occupaient la majeure partie de la région Est du Canada et des États-Unis.

Certaines de ces nations, lors de l’arrivée de Jacques Cartier, le 10 mai 1534, occupaient déjà, pour les échanges, rencontres et alliances de la saison estivale, les rives du golf et de la mer; les Mi’kmaks, Malécites, Abénakis (dans la partie sud du golf Saint-Laurent et de la mer Atlantique), les Innus, les Naskapis, les Cris, les Atikamekw et les Algonkins occupaient la partie septentrionale du fleuve et golf St-Laurent. Il semble que dans le langage Atikamekw ces mots «ACA NADA», phonétiquement, veulent dire «Aka neta» ou «Akawir neta» qui veut dire «non pas là». Ce qui veut dire que les «indiens», qui ont vu le voyageur Cartier, ont voulu l’arrêter, l’ont défendu de passer et d’aller plus loin.

Autres indicateurs de la présence Atikamekw qu’on peut retrouver sur des cartes anciennes datant de 1743, 1744 :

Aussi, une mention du nom «Atticamouecs» (Atikamekw), relevé de la «Carte de l’Amérique Septentrionale pour servir à l’histoire de la Nouvelle-France. Dressée par N. Bellin, Ingénieur du Roy et Hydrographe de la marine. 1743, page 1».

Autres noms relevés à la «Carte de la Partie Orientale de la Nouvelle-France ou du Canada. Dédiée à Mons. Le Comte de Maurepas par N. Bellin – 1744, à la page 438 » : les noms de rivière OUAMACHIS, ATTICAMEOUECS, lac CAOUINAGAMIC et rivière
ACOUANAGOUSIN. (Re : Histoire de la Nouvelle-France. Tome I.)

Note : la rivière OUAMACHISpour la rivière «Omaci» ou «O-ma-chi» ou «Yamachiche», rivière de la rive nord du fleuve et en amont de TroisRivièresLe nom ATTICAMEOUECS pour Atikamekw ouau pluriel, Atikamekokw, nation dont le territoire est situé dans la majeure partie du territoire administratif de la Mauricieune partie dans celle de Québecdes Laurentides et de Lanaudière.

Un lac CAOUINAGAMIC, pour «Ka winakamik» en langue Atikamekwest situé dans la région de la rivière Tapiskwan ou rivière St-Maurice, à la hauteur de Kokac (ou Coucoucache), près de la rivière Flamand dans le McTavish.

La rivière ACOUANAGOUSIN, pour le terme «Acohanakosin», serait en langue Atikamekw aussi. Malheureusement le toponyme n’est pas encore répertorié au niveau de l’étude sur les toponymes du territoire des Atikamekw (Région Coeur-du-Québec).

Présence Atikamekw à Matawak (ou Saint-Michel-des-Saints)

De par leur mode de vie, la présence des Atikamekw dans la région de Matawa (Saint-Michel-des-Saints) date de plus de deux derniers siècles. Leur territoire s’étend aussi sur d’autres parties de régions administratives. De tous les temps, en tenant compte des ressources qui y recèlent, fondamentale dans leur vie, comme le freine (akimaskw) par exemple, cette région fut occupée et habitée par les gens de Manawan au fil de leurs déplacements. Dans certains territoires des nations autochtones, il y a des ressources qui ne sont pas disponibles, d’autres sont davantage faciles à trouver et donc nommées et désignées. La langue des Atikamekw étant très descriptive, on retrouve donc dans leur vocabulaire tous les noms de ces ressources et des milieux de vie (toponymes).

À preuve, on retrouve dans des écrits datant du XVIIe siècle ces quelques toponymes; le Ouareau ou Outaragawe sipi (rivière Assomption) dans les Relations des Jésuites du XVIIe siècle. Le Matawa (bien qu’écrit de différentes façons), dans l’histoire
d’installation des deux principaux villages de ce secteur (Saint-Ignace et Saint-Michel) et dans le journal de la Hudson’s Bay Company (installé à Manawan ou Metapeckake vers les années 1870), de ce secteur y fait foi.D’autres indicateurs de la présence (contemporaine) des Atikamekw à Saint-Michel-des-Saints sont relevés par la tradition orale qui fait état que des familles de Manawan assistaient, au début des années 1900, aux messes du temps des fêtes.

Situation géographique de Manawan :

Manawan est situé à l’ouest de La Tuque, au nord de Saint-Michel-des-Saints et de Saint-Jovite, au nord-est de Mont-Laurier. Les principales rivières qui descendent de la région de Manawan sont : la rivière Vermillon (Acopekahi sipi) qui descend, à l’est, vers la rivière St-Maurice (Tapiskwan) au nord de La Tuque, vers le sud, la rivière Ka Minictikowok (Milieu) qui descend vers St-Michel-des-Saints et de là vers la rivière St-Maurice (Tapiskwan) à Mattawain au sud de La Tuque, vers le sud aussi, la Sesekatiko Sipi qui rejoint la rivière Rouge, passant aux environs de Saint-Jovite, et descend vers le Lac-des-Deux-Montagnes, La «Wito Sipi» ou la «Chatillon » qui prend sa source de Otcapan Sakihikanik (Lac Bélisle) et se jette sur Wapoc Sipi (Le Lièvre) et celui-ci afflue vers la rivière Outaouais à la hauteur de la ville de Gatineau, la rivière Manawan, passant au village de Manawan, descend, vers le nord jusqu’à la rivière St-Maurice (Tapiskwan) à la hauteur de Wemotaci ou Sanmaur (au nord de La Tuque).

Les membres de la nation Atikamekw habitent le territoire qui constitue la région-coeur de la province de Québec. Le territoire Atikamekw de Manawan est couvert par quelques parties des régions administratives non-autochtones (constituée dans les années 1970-80) de la Mauricie, de la Haute-Mauricie, de la région de Lanaudière et de la région des Hautes-Laurentides.

Le territoire de la nation Atikamekw couvre la superficie suivante :

de l’Est : à partir de la ville de Québec, en passant par les limites des versants nord pour le Lac Saint-Jean, dans la région du Lac Édouard, près de La Tuque (au nord-est), du Nord : à la limite du versant de la rivière Ashuapmuchuan (qui se jette dans le lac Saint-Jean, par la limite du versant de la région de la Baie James (on remonte une rivière et après un certain trajet, on se rend compte qu’on descend cette même rivière), de l’Ouest : dans la région Est de Senneterre de l’Abitibi, passant à la tête de la rivière Gatineau (Katino Sipi), descendant vers le sud en passant au milieu du lac Mitchinamécus (Mitcinamekos) et passant par le lac Tapani, près de Ferme-Neuve dans les Hautes-Laurentides, du Sud : en passant au nord de la ville de Mont-Laurier (Mos Powactikw : Rapide de l’orignal), longeant les villages comme Saint-Jovite et les autres municipalités des régions des Hautes-Laurentides et Moyennes-Laurentides. La rivière Ouareau serait la limite de ce territoire Atikamekw. Le mot «Ouareau» suggère le sens de «lointain», au niveau de la distance que parcoure cette rivière de sa source à son affluent. L’autre sens de ce toponyme suggère le nom de la queue de la loutre «Nikikw waro». Aussi dans le mot «Ouareau» (Warowik ou Nikikw waro), il y a la lettre « r » que seuls les Atikamekw, par rapport à tous les autres groupes autochtones de la région ou de la province de Québec, utilisent dans leur langage. Ce toponyme confirme quelque peu que cette rivière passe sur le territoire ancestral des Atikamekw.

Deux grandes richesse : celle la mémoire et les significations et celle du respect envers le territoire

Dans la vie des Atikamekw, comme celle des autres nations autochtones de ce continent, il y a de ces richesses, pour n’en nommer que deux, dont, premièrement, celle de la mémoire et des significations; la deuxième  porte sur le respect qu’ils ont envers le territoire et ses ressources; il en a été ainsi au cours de leur vie, et de leur survie parfois, tout comme pour aujourd’hui. C’est pour cette raison qu’ils utilisent ces éléments à bon escient.

Les Atikamekw, comme les autres nations autochtones du continent, respectent l’environnement global tout comme l’énergie naturelle et vitale qui en émane; le feu (tonnerre), le vent, l’air et l’eau. La descente de rivière, la culture sur brûlis, quand le chasseur attend un vent favorable pour la chasse à l’orignal, par exemple, constituent des utilisations de l’énergie. Ils usent de ces énergies à condition qu’il n’y ait pas d’impacts majeurs au sujet de cette utilisation. À raison du respect qu’ils vouent à leur milieu, ce n’est pas dans leur dessein de contrôler et gérer ces éléments naturels.

D’une mal-gestion de l’environnement peut découler des conséquences, comme la pollution, qui peuvent être néfastes à l’ensemble de toutes les ressources du milieu, tant humaines que physiques. Le constat de la pollution du territoire et des ressources s’est fait par les aînés de Manawan lors de leur visite aux musées en mai 2004 : «… toutes sortes d’objets de différentes époques, comme ces paniers en écorce de bouleau. L’examen approfondi de ces récipients, en les comparant avec d’autres de même type mais plus récents, nous renseignera beaucoup, par exemple, sur l’ampleur de la pollution qui touche toutes les ressources du territoire comme l’écorce, les racines ou le cèdre et de juger de la qualité et des altérations de ces mêmes ressources.»